Forçage Radiatif et Réchauffement Global : Analyse des Dynamiques Climatiques

Cet article explore l'évolution des forçages radiatifs et des anomalies de température mondiale de 1750 à 2022, mettant en lumière l'influence croissante des activités humaines sur le climat.

Sébastien Lauwers

8/17/202411 min read

Depuis l’aube de l’ère industrielle, la Terre a été soumise à des forces titanesques qui, invisiblement, mais inexorablement, modifient son climat. Ces forces, que l’on appelle forçages radiatifs, sont l’ensemble des influences externes qui perturbent l’équilibre énergétique de la planète. Certains de ces forçages sont naturels, comme les éruptions volcaniques ou les variations de l’activité solaire, tandis que d’autres, de plus en plus dominants, sont d’origine humaine, notamment les émissions de gaz à effet de serre et les changements dans l’utilisation des terres. Au cours des siècles passés, ces forçages d’origine humaine ont augmenté de manière significative, entraînant un surplus énergétique qui a perturbé l'équilibre naturel de la Terre. En 2023, ce forçage radiatif net total est estimé à +2,79 W/m², par rapport à 1750, dépassant de 1,05 W/m² la valeur nécessaire pour rétablir l’équilibre énergétique terrestre. Ce surplus énergétique impacte directement l’accélération du réchauffement climatique et l’intensification des événements climatiques extrêmes.

Si l’on devait résumer la situation en une phrase : nous sommes en train de dérégler le thermostat de la Terre, et la correction de cette dérive nécessitera des efforts conséquents...

Le graphique réalisé à partir de données allant de 1750 à 2022, illustre cette transformation progressive, mais spectaculaire. Il montre non seulement l’ampleur des modifications climatiques, mais également les forces en jeu – certaines éphémères, d’autres beaucoup plus durables. Mais au-delà des chiffres et des courbes, il y a une histoire complexe, faite de choix humains, d’actions délibérées et d’indifférence collective. Et dans cette histoire, les climato-sceptiques jouent un rôle de premier plan, refusant de reconnaître la réalité qui se dessine sous leurs yeux.

Forçages Radiatifs : Les Leviers du Changement Climatique

Les forçages radiatifs sont les leviers invisibles qui modifient le climat de notre planète. Imaginez une balance : d’un côté, l’énergie que la Terre reçoit du Soleil, et de l’autre, l’énergie qu’elle renvoie dans l’espace. Un forçage radiatif est tout ce qui peut déséquilibrer cette balance, en modifiant la quantité d’énergie absorbée ou émise par la Terre. Un forçage positif, comme l’augmentation du CO₂ dans l’atmosphère, entraîne un réchauffement en piégeant plus de chaleur. À l’inverse, un forçage négatif, comme une grande éruption volcanique, peut refroidir la planète en bloquant une partie de la lumière solaire.

Depuis 1750, ces forçages se sont accumulés, modifiant progressivement le climat terrestre. Les données compilées montrent une tendance claire : les forçages d’origine humaine, en particulier les gaz à effet de serre, ont dépassé de loin les influences naturelles. Alors que le CO₂ était autrefois un simple produit de la respiration et de la combustion de bois, il est devenu, avec l’avènement de l’industrialisation, le principal moteur du changement climatique. Mais le CO₂ n’est pas le seul en cause. Le méthane, le protoxyde d’azote, et même les aérosols anthropiques jouent également un rôle clé, chacun contribuant à sa manière à l’augmentation des températures mondiales.

Prenons l’exemple du CO₂. Avant l’ère industrielle, ses concentrations dans l’atmosphère étaient relativement stables, autour de 280 ppm (parties par million). Aujourd’hui, elles ont dépassé les 420 ppm, un niveau jamais atteint depuis des millions d’années. Cette augmentation rapide a entraîné une hausse significative du forçage radiatif, contribuant directement au réchauffement global que nous observons aujourd’hui.

Mais les forçages radiatifs ne se limitent pas aux gaz à effet de serre. Les changements dans l’utilisation des terres, par exemple, ont également un impact. La déforestation, l’urbanisation et l’agriculture intensive modifient la manière dont la surface terrestre absorbe et réfléchit l’énergie solaire. Ces changements peuvent augmenter le forçage radiatif en réduisant la capacité de la Terre à réfléchir la lumière solaire, exacerbant ainsi le réchauffement global.

Anomalies de Température : Le Thermomètre de la Terre

Les anomalies de température sont un autre indicateur clé du changement climatique. Elles mesurent les écarts de température par rapport à une moyenne de référence, généralement sur une longue période. Une anomalie positive indique que les températures sont plus élevées que la moyenne, tandis qu’une anomalie négative indique des températures plus basses.

Depuis le milieu du 20e siècle, les anomalies de température mondiale ont montré une tendance nette à la hausse. Les données de la NOAA et de Berkeley Earth révèlent une augmentation régulière des températures, en particulier au cours des dernières décennies. Cette hausse est directement corrélée à l’augmentation des forçages radiatifs d’origine humaine.

Mais cette tendance n’est pas linéaire. Les anomalies de température sont influencées par une multitude de facteurs, y compris les forçages naturels et les cycles climatiques internes. Par exemple, les événements El Niño, qui font partie du cycle ENSO, peuvent provoquer une hausse temporaire des températures mondiales, tandis que les épisodes de La Niña ont l’effet inverse. Ces variations ne remettent pas en cause la tendance générale au réchauffement, mais elles montrent à quel point le climat de la Terre est complexe et sensible.

Prenons le cas de l’El Niño de 1997-1998, l’un des plus puissants du siècle dernier. Cet événement a provoqué une hausse spectaculaire des températures mondiales, exacerbant les effets du réchauffement climatique déjà en cours. À l’inverse, les épisodes de La Niña qui ont suivi ont légèrement atténué cette tendance, mais de manière temporaire. La Terre continue de se réchauffer, indépendamment de ces oscillations naturelles.

Les Événements Majeurs : Leurs Impacts sur le Climat
Plusieurs événements majeurs ont marqué l’histoire climatique récente. Parmi eux, les éruptions volcaniques occupent une place de choix. Ces événements spectaculaires, bien que transitoires, ont un impact significatif sur le climat. Par exemple, l’éruption du mont Tambora en 1815 a provoqué une baisse temporaire mais dramatique des températures mondiales, donnant lieu à ce que l’on appelle « l’année sans été ». De même, l’éruption du Krakatoa en 1883 a injecté une quantité massive d’aérosols dans l’atmosphère, réduisant la quantité de lumière solaire atteignant la surface terrestre et provoquant un refroidissement temporaire.

Plus récemment, l’éruption du mont Pinatubo en 1991 a eu un effet similaire, provoquant une baisse temporaire des températures mondiales. Cet événement est d’ailleurs visible dans les données compilées : on observe une chute nette des forçages radiatifs au début des années 1990, correspondant à l’effet refroidissant des aérosols émis par le volcan.

Mais les volcans ne sont pas les seuls à avoir influencé le climat. Les guerres mondiales ont également eu un impact, bien que plus indirect. Pendant la Première et la Seconde Guerre mondiale, les émissions industrielles ont fluctué en fonction des efforts de guerre, tandis que les vastes incendies et destructions ont libéré des quantités significatives de particules dans l’atmosphère. Ces fluctuations ont eu un impact sur les forçages radiatifs, bien que cet impact soit resté relativement limité comparé aux tendances à long terme liées à l’industrialisation.

En 2020, alors que le monde se confinait à cause de la pandémie de COVID-19, les émissions mondiales de CO₂ ont temporairement diminué. Certains ont vu là un signe d’espoir, une preuve que nous pouvions inverser la tendance si nous le voulions. Mais cette baisse n’a été qu’un feu de paille. Les concentrations de CO₂ dans l’atmosphère ont continué d’augmenter, et l’impact global sur les forçages radiatifs est resté limité. Cet épisode a plutôt montré à quel point il est difficile de changer le cap du réchauffement climatique une fois qu’il est lancé.

Et les Arguments Climato-Sceptiques, dans tout cela ?

Ah, les climato-sceptiques, ou plutôt les "climato-dénialistes" (1). Ces vaillants combattants qui, armés de demi-vérités et de raccourcis intellectuels, s’opposent vaillamment à l’idée que les activités humaines puissent avoir un impact significatif sur le climat. Leur argumentation est souvent répétitive, s’appuyant sur des idées qui ont été réfutées maintes fois par la communauté scientifique. Pourtant, ils persistent, s’accrochant à leurs croyances avec ténacité.

Impact des Forçages Radiatifs sur les Anomalies de Température Globale

Références

  • Forster, P., Ramaswamy, V., Artaxo, P., Berntsen, T., Betts, R., Fahey, D. W., ... & Van Dorland, R. (2007). Changes in atmospheric constituents and in radiative forcing. In Climate change 2007: The physical science basis (pp. 129-234). Cambridge University Press.

  • Forster, P. M., Forster, H. I., Evans, M. J., Gidden, M. J., Jones, C. D., Keller, C. A., ... & Turnock, S. T. (2020). Current and future global climate impacts resulting from COVID-19. Nature Climate Change, 10(10), 913-919.

  • Gao, C., Robock, A., Ammann, C., & Toon, O. B. (2008). The 1783–1784 Laki eruption and its effects on global climate. Nature, 456(7220), 541-544.

  • IPCC. (2021). Climate Change 2021: The Physical Science Basis. Contribution of Working Group I to the Sixth Assessment Report of the Intergovernmental Panel on Climate Change.

  • Jones, P. D., Harpham, C., & Briffa, K. R. (2016). The temperature of Europe during the 1781-1785 period. Climatic Change, 137(3), 531-545.

  • Myhre, G., Shindell, D., Bréon, F. M., Collins, W., Fuglestvedt, J., Huang, J., ... & Zhang, H. (2013). Anthropogenic and natural radiative forcing. In Climate change 2013: The physical science basis (pp. 659-740). Cambridge University Press.

  • NOAA. (2023). NOAA Merged Land Ocean Global Surface Temperature Analysis (NOAAGlobalTemp). National Centers for Environmental Information (NCEI). Retrieved from https://www.ncei.noaa.gov

  • Robock, A. (2000). Volcanic eruptions and climate. Reviews of Geophysics, 38(2), 191-219.

  • Rohde, R., Muller, R. A., Jacobsen, R., Muller, E., Perlmutter, S., & Rosenfeld, A. (2013). Berkeley Earth temperature averaging process. Geoinformatics & Geostatistics: An Overview, 1(2), 1-13.

  • Walsh, T., Ribes, A., Gillett, N., & Smith, C. (2023). Indicators of Global Climate Change. Zenodo. DOI: 10.5281/zenodo.7883757

  • Hulme, M. (2015). Why we disagree about climate change: Understanding controversy, inaction, and opportunity. Cambridge University Press.

Un de leurs arguments favoris est que « le climat a toujours changé ». Oui, le climat a toujours changé, et personne ne le conteste. Mais ce qu’ils oublient de mentionner, c’est que les changements climatiques passés se sont déroulés sur des échelles de temps géologiques – des milliers, voire des millions d’années. Ce que nous voyons aujourd’hui, c’est un changement d’une ampleur comparable, mais comprimé en quelques siècles seulement, et pour la première fois, il est principalement causé par une seule espèce : l’homme.

Un autre argument récurrent est celui du « hiatus » du réchauffement global dans les années 2000. Les climato-dénialistes aiment à dire que les températures n’ont pas vraiment augmenté pendant cette période, et que cela prouve que le réchauffement climatique n’est qu’un mythe. Ce qu’ils oublient de mentionner, c’est que ce « hiatus » n’était qu’une pause relative dans une tendance générale au réchauffement, due en grande partie à des facteurs temporaires comme les oscillations naturelles, notamment La Niña, et l’effet refroidissant des aérosols atmosphériques. Ce "hiatus" a été largement exagéré par les climato-sceptiques pour semer le doute, mais il ne remet absolument pas en question la tendance globale au réchauffement. Au contraire, il a servi de rappel que même dans un contexte de réchauffement global, des variations naturelles peuvent moduler temporairement les températures. Mais soyons clairs : ces variations sont transitoires, tandis que la tendance générale est implacable et inexorable.

Un autre argument fétiche des dénialistes est que le CO₂ est bon pour les plantes, et donc que plus de CO₂ signifie plus de végétation, ce qui serait bénéfique pour la planète. C'est un raisonnement simpliste qui ignore les nombreuses autres variables impliquées. Oui, le CO₂ est essentiel pour la photosynthèse, mais à des niveaux normaux. À des concentrations élevées, comme celles que nous voyons aujourd'hui, les effets négatifs surpassent de loin les bénéfices. Les plantes peuvent croître plus vite avec plus de CO₂, mais cette croissance est souvent de moindre qualité, avec des rendements nutritionnels réduits. De plus, les autres conséquences du changement climatique, comme les vagues de chaleur, les sécheresses et les tempêtes plus fréquentes, contrebalancent largement tout effet positif potentiel de l'augmentation du CO₂.

Il y a aussi cette affirmation selon laquelle « le climat est trop complexe pour que nous puissions vraiment comprendre ou prédire ce qui va se passer ». Cette idée est séduisante pour ceux qui veulent justifier l'inaction, mais elle est fondamentalement erronée. Certes, le climat est un système complexe, et il y a des incertitudes inhérentes à toute prévision climatique. Mais complexité ne signifie pas imprévisibilité totale. Les scientifiques utilisent des modèles sophistiqués qui intègrent des milliers de variables pour faire des projections climatiques. Ces modèles ne sont pas parfaits, mais ils sont incroyablement puissants et ont été validés par des décennies de données. Refuser de prendre des mesures parce que nous ne pouvons pas prévoir chaque détail avec une précision absolue revient à refuser de porter une ceinture de sécurité parce que nous ne pouvons pas prédire exactement quand un accident va se produire.

Enfin, il y a ceux qui disent que les scientifiques sont divisés sur la question du réchauffement climatique. Cette idée est un mythe persistant, alimenté par une poignée de chercheurs marginalisés qui, pour diverses raisons – idéologiques, politiques, ou tout simplement personnelles – continuent de nier l’évidence. En réalité, il y a un consensus écrasant parmi les climatologues : le réchauffement global est réel, il est principalement causé par les activités humaines, et ses conséquences seront graves si nous n'agissons pas. Lorsque 97 % des experts d'un domaine s'accordent sur un sujet, il est plus prudent de les écouter. Les climato-sceptiques aiment se présenter comme les héros solitaires de la vérité, mais en réalité, ils ne sont que les dinosaures d'une ère révolue, résistant à l'évolution inévitable de notre compréhension scientifique.

Verdict Climatique

L'analyse des forçages radiatifs et des anomalies de température mondiale de 1750 à 2022 révèle une histoire claire : notre planète se réchauffe, et ce réchauffement est en grande partie dû aux activités humaines. Les données ne mentent pas, et elles montrent une tendance inquiétante qui se reflète dans la hausse des températures, l’augmentation des événements climatiques extrêmes et les perturbations des écosystèmes. Les forçages radiatifs, qu'ils soient naturels ou anthropiques, ont un impact direct sur le climat, mais ce sont les activités humaines, en particulier les émissions de gaz à effet de serre, qui sont les principaux moteurs du changement climatique actuel.

Notes:

1. À la suite d'une discussion sur le réseau social Facebook dans le groupe "Le Réchauffement Climatique est une Réalité", j'ai opté pour le terme "climato-dénialiste" plutôt que "climato-sceptique" pour décrire les individus ou les groupes qui persistent à nier les preuves accablantes du changement climatique causé par l'activité humaine. Ce choix de vocabulaire est délibéré et vise à clarifier une distinction importante.

Le scepticisme est une composante essentielle de la démarche scientifique : il pousse à questionner, à analyser et à rechercher des preuves avant d'accepter une conclusion. Cependant, dans le contexte actuel, où un consensus scientifique solide existe sur la réalité du changement climatique, continuer à nier ces faits ne relève plus du scepticisme mais d'un déni pur et simple. Le terme "climato-dénialiste" reflète donc mieux l'attitude de ceux qui, malgré les preuves, rejettent la réalité du changement climatique pour des raisons idéologiques, politiques ou économiques.

Ce terme souligne la gravité de ce déni, qui entrave la prise de mesures cruciales pour répondre à la crise climatique. En nommant explicitement cette forme de rejet, l'intention est de rappeler que le débat ne porte plus sur l'existence du problème, mais sur la manière d'y répondre de manière urgente et efficace.